Michel Onfray et les Universités populaires

Publié le par gac

Michel Onfray est un philosophe contemporain, qui a décidé d’ouvrir les domaines des savoirs classiques à tous par des cours gratuits. Il crée une université populaire à Caen qui ensuite par son succès créera des envies à d’autres professeurs de créer d’autres universités populaires en France.

Par ce système d’université populaire, il veut amener le peuple à se libérer. Il cite La Boétie « Soyez résolu de ne plus servir et vous serez libre ». Par le savoir, les femmes et les hommes seront libres.

En cela, on comprend à travers le film d’Olivier L. Brunet sur Michel Onfray et les Universités populaires diffusé sur France 3, que Michel Onfray, le libertaire, veut aller au-delà des clivages d’opinions, que l’on peut rencontrer dans des organisations comme les syndicats, les partis politiques ou même les cafés politiques, philosophiques, … L’initiateur de l’Université populaire de Lyon décrit le principe comme étant un échange d’idées sans agressivité sur un exposé, sur une base commune de savoir et l’oppose au contexte des organisations où les opinions exprimées sont des arguments de lutte de pouvoir.

Michel Onfray, l’hédoniste, soucieux du corps de l’autre, de la communication du corps de l’autre, a un souci permanent de la morale, de l’éthique, des signes de l’autre. Michel Onfray explique qu’un hédoniste c’est tout cela et qu’il essaye d’être hédoniste.

Le film s’achève sur ce constat sincère, peut-être, d’un homme d’une extrême exigence pour lui, pour son travail pour qu’il soit le plus abouti possible et de cette attention à l’autre qu’il avoue ne pas avoir de manière parfaite mais d’y essayer.

Comment ne pas revenir sur une scène qui m’a marquée dans le film. C’est la scène où l’on voit un étudiant âgé et populaire questionné Onfray, sur la véritable sens qu’il donne au mot populaire, par rapport à la composition des Universités populaires.

On voit tout à coup un visage que l’on ne s’attend pas de la part de ce philosophe hédoniste. On le sent blessé, agacé par une question qui reviens souvent « Les Universités populaires sont-elles populaires ? » comme si on disait que son bébé, n’est pas à l’image de ce qu’il voudrait qu’il soit. Il se lance alors dans une démonstration dont on ne peut prévoir la flagrante démagogie.

Pour lui, l’Université populaire est forcément populaire, car elle est composée d’hommes et de femmes de tout âge. Il enjointe à ne pas confondre « populaire » avec « prolétarienne ». Il ne veut pas montrer du doigt la petite femme de ménage, l’ouvrier, le beauf. Et pourtant, une femme lève la main, elle veut parler. Elle dit avec un petit sourire « Je suis femme de ménage et je viens de gironde ». La salle applaudit. On sent alors un grisement chez Onfray, qui relancera après « Est-ce qu’il y a un flic de droite, intégriste et électeur de Le Pen qui veut témoigner ? » Rires dans l’amphi et pas de flic qui lève la main pour témoigner, bien sûr. Mais pourquoi le choix de cet exemple, qui conclue la démonstration. Et tant bien même qu’il y ait eu une telle personne dans l’assistance, il n’aurai pu témoigné.

Ce n’est pas absurde, Michel Onfray, par une telle mascarade, avoue ne pas réussir quelque chose de réellement populaire. Mais est-ce vraiment son but ?

Non. Autant il est libertaire, autant il est anarchiste et pour lui l’important c’est de jeter des cailloux  dans la marre. De plus, il est persuadé que cela peut provoquer une grande révolution. Il veut construire des « micro-résistances », comme certains font des micro-crédits diront les mauvaises langues.  Mais à quoi servent ces micro-résistances ? On devine mal le lien entre ces différentes résistances. On devine mal le but de libérer des personnes qui déjà font le pas des Universités populaires. La question « Comment toucher les personnes qui n’y viennent pas ? » ne serait-elle pas une question primordiale pour libérer les peuples ?

Les savoirs sont-ils accessibles par tous de manière spontanée juste parce qu’ils sont gratuits ?

En plus, « gratuits » faut voir ? Difficile d’imaginer pour une femme de ménage qui part de gironde pour aller à Caen, ou même n’importe quel parisien à qui il est conseillé par Onfray de se payer son billet de train pour aller à Caen, que les cours de l’Université populaire de Caen soient vraiment gratuits pour tous.

Mais les savoirs sont-ils gratuits pour ceux qui habitent à côté d’une Université populaire ? Prendre des notes, lire des livres, en acheter, avoir le temps et l’argent est-ce donné à tout le monde ? Ne doit-on pas avoir un savoir minimum ?

Je vois ça, peut-être, avec l’œil du militant que je suis. Lorsque l’on est confronté à la misère du monde. Lorsque l’on distribue un tract, lorsque l’on rentre dans un bistrot et que l’on dit que l’on fait de la politique, lorsque l’on fait un porte-à-porte, on se rend compte des inégalités extrême du savoir. Parfois c’est à peine, si les personnes que l’on rencontre arrivent à exposer une phrase ou une idée. Les dialogues sont difficiles, surtout quand l’exaspération, la colère s’ajoute à l’ignorance.

Dans quel monde vit Michel Onfray pour ne s’adresser qu’à une certaine catégorie de personne, ceux qui ont du temps, de l’argent, savent lire et écrire ; tout en voulant libérer tout le monde.

Michel Onfray est certainement une personne respectable, un bon philosophe et je ne m’en sens pas capable de le juger plus que ça. Sincère ou pas, conscient ou pas, il participe a la construction d’une thèse dominante et à son application qui est que le peuple pour se libérer n’a pas besoin de s’organiser ni de se structurer pour se défendre. Il participe à la remise en cause de tout un courant de pensé qui a permis de donner à la classe ouvrière les idées et les structures pour se défendre pendant plus d’un siècle.

Pas étonnant connaissant l’homme et sa pensé, qu’il soit un soutien de José Bové, le paysan altermondialiste qui cache son anarchisme. Bové qui lors de cette année pré-électorale n’a eu de cesse de rejeter le principe même d’une candidature antilibérale issue d’une organisation politique que ce soit de la LCR ou du PCF car ne pouvant pas rassembler. Bové se mettant à dos à la fois les militants LCR et les militants PCF et donc de fait n’étant plus en capacité de rassembler. Bové n’étant en fait que le candidat de celles et ceux qui ont une méfiance dans les appareils politiques.

Mais à ne pas vouloir affronter cette méfiance qui existe et que je ne nie pas, par une manipulation à des fins personnelles, électoralistes, politiciennes, ne favorise-t-il pas encore plus de méfiance, d’exaspération, de colère ?

Michel Onfray, José Bové, ou encore Clémentine Autain, Yves Salesse chez les antilibéraux, ou encore Nicolas Hulot qui avance des propositions d’ordre écologique en se plaçant au dessus des organisations du mouvement écologique qui a mis plus de vingt ans à se structurer, toutes ces personnes ont en commun la même défiance des organisations politiques.

Mais leur positionnement qui est destructeur par rapport à ce qui existe déjà, permet-il de construire autre chose ?

On le voit bien depuis plusieurs années maintenant, le mouvement altermondialiste, n’arrive pas à se structurer et à être aussi efficace que les internationales socialistes et communistes.

 

 

 

 

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