Hortefeux et les inspecteurs du travail

Publié le par gac

Les décrets d’attribution des domaines de compétence des différents ministres sont de ceux qui, généralement, ne retiennent l’attention des médias que pour mesurer le poids politique des intéressés et leur proximité du soleil élyséen.

Le décret nº 2007-999 du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement mérite toutefois une attention toute particulière sur un point qui n’a pas échappé aux inspecteurs du travail, dont les organisations syndicales viennent de déposer devant le Conseil d’État un recours en annulation contre ledit décret.

D’après l’article 1er de ce décret, le ministre en question est chargé, « en liaison avec le ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales et le ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, de la lutte contre le travail illégal des étrangers ».

Mine de rien, ces quelques mots résument une politique…

Évoquer le ministre du Travail, c’est évoquer les inspecteurs du travail auxquels la loi donne le pouvoir d’entrer à tout moment dans l’entreprise pour y constater le respect, ou les violations, du Code du travail, notamment en ce qui concerne le travail dissimulé ou clandestin.

Cette compétence qui leur est propre intéresse évidemment au premier chef le ministre dont l’intitulé du ministère suffit à comprendre la vocation, et certainement pas, on l’aura compris, pour aller chercher querelle aux employeurs concernés… Le délit de « travail illégal des étrangers » étant inconnu du Code pénal et du Code du travail, et un nouveau délit ne pouvant être créé que par la loi et non par un décret, trois réflexions viennent à l’esprit :

Si le travail est illégal et constitue un délit, alors il appartient au procureur de la République - qui n’est pas, pas encore, sous la direction du ministre de l’Immigration - de le poursuivre en mobilisant les moyens de police dont il dispose et dont ne font pas, pas encore, partie les inspecteurs du travail. Le travail peut être illégal pour plusieurs raisons, alors pourquoi faire un sort particulier, et mobiliser à cette fin les inspecteurs du travail, aux salariés étrangers ?

Enfin, cet enrôlement des inspecteurs du travail est contraire à la convention nº 81 de l’OIT, dont l’article 6 précise : « Le personnel de l’inspection sera composé de fonctionnaires publics dont le statut et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue. »

Convention, OIT, voilà quelques mots qui devraient rappeler au gouvernement le fâcheux et récent souvenir du moribond CNE… Et pendant ce temps, des jugements ordonnant la fermeture de grands magasins et autres supermarchés le dimanche, en application du Code du travail, restent lettre morte. C’est à des petits « détails » de ce genre que l’on mesure les priorités d’un pouvoir…

Hervé Tourniquet, avocat.

Article paru dans l'Humanité, édition du 25 juillet 2007

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